JEAN-YVES CANDELA
La musique est, dit-on, un langage universel. Jean-Yves Candela le parle couramment. Chez lui, le désir de s’exprimer en musique remonte à loin. Né en 1962, à Oran, dès l’âge de 4 ans il demande à apprendre le piano. Il lui faudra demander et demander encore avant de voir son souhait exaucé. Il a 11 ans lorsqu’il prend son premier cours de piano. Il en poursuivra l’étude jusqu’au bac. En toute logique, c’est la grammaire de la musique classique qu’on lui enseigne alors. Il la délaissera en abordant la carrière professionnelle mais il en gardera pour toujours l’accent.
Puis, Jean-Yves Candela, s’en va parler la musique dans un dancing de la ville. C’est son premier job. Sept jours par semaine, il fait danser le monde. Ça a été une formidable école car dans un dancing ça part dans tous les sens, il faut s’adapter à toutes les demandes, répondre à toutes les attentes.
Mais en son for intérieur, à la prosodie de la variété, il préfère le discours du jazz. Ses modèles sont Bill Evans, Oscar Peterson Keith Jarrett, Herbie Hankock. La plus « jazzophone » des villes françaises étant Paris, c’est là que ses pas le mènent, au milieu des années 1980.
Arrivé à Paris pour les beaux yeux du jazz, c’est pour la musique brésilienne qu’il tombe en amour. Ce n’est pas vraiment une trahison : bossa nova et jazz se conjuguent souvent au même mode et les musiciens bilingues jazz-bossa sont monnaie courante. De sorte que le piano de Jean-Yves Candela converse en jazz avec les guitares de Babick Reinhardt, de Michel Perez, autant qu’avec la tribu des musiciens brésiliens de Paris. Musiciens qui, eux-mêmes, font dialoguer jazz et musique brésilienne. Il jouera avec Marcia Maria, Les Etoiles, Mônica Passos, Rosinha de Valença. A si bien parler la musique brésilienne, il sera convié à accompagner des artistes de passage le temps d’une tournée européenne : Joyce qui célèbre le travail solo de celui qu’elle considère comme un de ses pianistes préférés… ou encore Zeca de Assunção, grand bassiste brésilien. Le gratin quoi ! se réjouit Jean-Yves. Et de fil en aiguille, c’est le gratin qui finit par venir l’accompagner. Ainsi un premier CD, Jean-Yves Candela’s String Project comptera avec Nene, un des plus grands batteurs de sa génération, qui a joué avec Egberto Gismonti, Hermeto Paschoal, Stan Getz, Steve Lacy et accompagné les plus grands chanteurs, parmi lesquels Claude Nougaro.
Ce seront ces mêmes Brésiliens qui l’ont initié à d’autres idiomes musicaux qui l’inciteront à créer le sien propre. Luiz Antonio, des Étoiles, me donnait l’impression de croire plus en moi que je ne le faisais moi-même. Puis ce fut ensuite Nene qui m’a appris à me faire confiance, qui m’a donné le courage de me lancer dans l’écriture.
Car il ne suffit pas de savoir parler, il est bon de savoir aussi lire et écrire. Jean-Yves a fait le pas et s’est mis à la composition.
Le musicien accompagnateur devient alors créateur.
Imprégné des univers musicaux qu’il n’a cessé de traverser au cours de sa vie, Jean-Yves Candela crée un chainon manquant entre jazz, bossa nova et musique savante et manie l’improvisation avec l’aisance que lui assure le bagage théorique acquis par l’étude et dont il a su se dégager.
La musique ne doit pas être une démonstration technique. Ce qui compte dans la musique ce ne sont pas les rafales de notes, c’est l’émotion, dit ce pianiste chez qui Joyce voit un mélange d’énergie et de subtilité, et dont Richard Galliano souligne le jeu subtil et puissant.
Ce CD instrumental « Meu romance » ne dit rien d’autre que cela. En solo ou entouré de son quatuor, Jean-Yves Candela décline les univers musicaux qui l’ont façonné. Il en résulte une grande liberté et une plus grande palette de thèmes et d’ambiances.
Des compositions les plus anciennes jamais éditées comme Luis Antonio (chanteur des Etoiles) Diclosures (chanté par Élisabeth Kontomanou), Lucie (composé pour sa fille et à l’intention des jeunes pianistes) jusqu’aux plus récentes comme Souffle 1 et 2 (à mi-chemin entre l’écriture jazzistique et un récital pour piano classique), Jean-Yves a souhaité ne jouer qu’un répertoire original. Alors pour ne pas déroger à la règle, il a rendu original ce qui ne l’était pas, faisant une lecture personnelle des standards qu’il a tenu à inclure dans son répertoire : My Romance devient Meu Romance ce qui autorise le pianiste à lui imprimer une rythmique plus latine : en l’occurrence en « chorinho ».
Footsprint, blues mineur devient une sorte de Boogie à trois temps : Bass Sprint. Insensatez célèbre bossa-nova devient valse.
De ce disque, enregistrement d’un concert, son auteur dit : Ce concert a fait renaître en moi le plaisir de la composition et de l’arrangement.
Partageons alors ce plaisir !
Dominique Dreyfus
Biographie
Naît en Algérie en 1962, dans une famille d’origine espagnole qui va bientôt s’installer dans le sud de la France, à La Seyne-sur-Mer, pas loin de Toulon. Attiré par la musique et le piano dès sa petite enfance, il commence des études musicales au début de l’adolescence puis, très vite, se produit sur scène, dans des registres divers.
Vers l’âge de quinze ans, il entend un disque d’Oscar Peterson. Choc sensible, grande émotion. Jean-Yves sait désormais que sa voie est là, dans le jazz. Ce qu’il écoute, dans la foulée, de Chick Corea, Bill Evans, Herbie Hancock et quelques autres le confirme dans son engagement: c’est à cette musique, qui exprime si bien ce qu’il a dans le cœur et dans l’esprit, qu’il va se vouer. En jouant et en composant.
Il arrive à Paris à la mi-temps des années 1980. Son jeu pianistique, qui allie des rythmiques latines à une richesse harmonique originale, lui vaut d’être remarqué et très vite intégré dans le milieu du jazz. Il rencontre Nenê, batteur d’Elis Regina, et Elisabeth Kontomanou. Avec eux et avec le contrebassiste Yves Torchinsky, il va former son premier groupe, Conversation, qui jouera ses compositions illustrées de paroles écrites par Elisabeth.
André Francis les distingue et les programme au festival de jazz de Paris. Dès lors, s’enclenchent des rencontres fructueuses autant que variées dans leurs styles : Michel Perez, Rosinha de Valencia, Monica Passos, les Etoiles, Joyce, Daniel Mille, Babick Reinhardt, Didier Lockwood et bien d’autres auprès de qui il joue, en studio, pour des enregistrements d’albums, ou sur la scène de clubs parisiens (Le Sunset, Baisé salé, Le Duc des lombards, Le Petit journal Montparnasse, Le Méridien-salle L. Hampton, Le Bilboquet etc.). Les expériences continuent de se succéder et lui permettent de travailler aussi, toujours sur scène ou en studio, avec Christian Escoudé, Sylvain Luc, Etienne Mbappé, André Ceccarelli, Stéphane et Lionel Belmondo, Aldo Romano, Richard Bona, Stéphane Grapelli et Toots Thielemans.
En 2005, il interprète, le temps de quarante représentations au théâtre de Suresnes, la musique que Richard Galliano a écrite pour une chorégraphie de Roland Petit sur Le bon petit diable, de la comtesse de Ségur.
En 2006, installé désormais sur la Côte d’Azur, Jean-Yves Candela compose pour un ensemble qu’il forme en associant un trio jazz et un quatuor à cordes. L’orchestre va être programmé sur de nombreuses scènes : à Nice, au Palais Nikaia, au Cedac, à la Galerie Firpo et aux Lundis Kosma du conservatoire de jazz de la ville ; à Menton, à Jazz de cœur et à la Nuit des musées ; à Mouans-Sartoux, aux manifestations du Parc du château. Un album va naître de ces compositions.
En 2007, il travaille souvent avec le violoniste François Arnaud dans un duo qui connaît un réel succès grâce à l’originalité de leur répertoire et à la virtuosité complice des deux musiciens. On les retrouve à l’origine du quintet Violin summit, plusieurs fois programmé aux Estivales des Alpes-Maritimes. En avril 2008, il enregistre avec Phil Palmer (guitare), Tony Levin (basse), Ian Thomas (batterie).
En 2009, à l’occasion de « l’Année de la France » au Brésil, il est convié à la Festa da Música de Belo Horizonte pour une série de concerts. Il y joue ses compositions en trio avec les musiciens d’Egberto Gismonti : Zeca Assumpçâo et Nenê. Il y accueille aussi le chanteur Zé Luiz Mazziotti, et rejoint Pierre Barouh pour le spectacle que celui-ci présente.
En 2014, le label « Défis » sort un album piano solo enregistré live lors d’un concert dans un théâtre parisien.
Jean-Yves Candela a reçu le Premier prix des Trophées du jazz de La Gaude en l’an 2000 (en trio). Il est régulièrement sollicité pour être membre du jury des concours des conservatoires de la Côte d’Azur et du Concours international du jeune soliste de jazz de Monaco.
Discographie
- 2008 – Jean-Yves Candela – String Projet
- 2014 – Jean-Yves Candela – Meu Romance (piano solo) – Défis
Collaborations
- 1985 – Jean-Marc Jafet – Dolores
- 1989 – Mônica Passos – Quais Guaranis
- 1990 – Rosinha de Valença & Flavio Faria (feat. Toots Thielemans)
- 1990 – Sergio Otanazetra – Alvorada
- 1992 – Babik Reinhardt – Vibration
- 1993 – Claire Chevalier – Saveur Brésil
- 1993 – Daniel Mille – Sur Les Quais
- 1994 – Jean-Marc Jafet – Agora
- 1995 – Babik Reinhardt – Nuances
- 2004 – Jean-Marc Jafet – Mes Anges
- 2014 – Marcello Ferreira – Noites Brasis